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Myoland
11 juin 2009

La magistrature doute de l'application judiciaire de la loi Hadopi

Société 2.0 -

Christine Albanel, qui refuse d'abdiquer sur la loi Hadopi, a annoncé la création de neuf tribunaux de grande instance (TGI) en région chargés de juger les abonnés à Internet accusés du délit de défaut de surveillance de leur accès à Internet. Mais l'Union Syndicale des Magistrats (USM) estime que la ministre fait de l'affichage, et que la loi est désormais inapplicable.

En censurant le dispositif de la riposte graduée, le Conseil constitutionnel a donné au gouvernement trois possibilités : abandonner tout le dispositif et ne pas promulguer la loi, se contenter de l'aspect "pédagogique" du projet de loi avec des avertissements qui n'effrayent pas grand monde, ou donner aux juges le pouvoir de sanctionner les internautes. C'est cette dernière piste qui est pour le moment retenue par le gouvernement, à la demande de Nicolas Sarkozy.

Christine Albanel a ainsi fait savoir qu'elle entendait "compléter la loi" pour donner aux magistrats la possibilité de sanctionner le défaut de surveillance de l'accès à Internet, et annoncé la création de neuf TGI en région spécialisés dans ces dossiers. Mais interrogée par le Figaro, l'Union Syndicale des Magistrats (USM) doute beaucoup de la sincérité des déclarations de la ministre de la Culture.

"S'agit-il de créer des tribunaux spéciaux ou d'utilise les tribunaux existants, pour commencer ? Dans les deux cas, ce serait en théorie possible mais à un coût considérable", commente Laurent Bédoué, le secrétaire général de l'USM. "A moins de recruter massivement, je ne vois pas comment il serait possible de passer par des juges", dit-il.

De plus, comme le note avec perspicacité le Figaro, le Conseil constitutionnel ne s'est pas contenté de renvoyer au juge pour le plaisir. Il a rappelé que la présomption d'innocence était un principe fondamental du droit, et qu'il fallait donc démontrer la culpabilité de l'internaute accusé, et non lui donner à lui la responsabilité d'apporter les preuves de son innocence. "Cela signifie qu'il y aurait un travail d'investigation nécessaire, qui demanderait également des moyens policiers et d'enquête (...) Chistine Albanel a dit que le Conseil constitutionnel avait validé 90% du texte de loi, c'est peut-être vrai si on ne compte que les articles censurés, mais on pourrait dire aussi qu'il a censuré 90% de l'esprit de ce projet", tacle M. Bédoué.

"Christine Albanel fait de l'affichage. Le Conseil a censuré la base de son architecture, et le texte s'est effondré", estime le magistrat. La censure n'est "pas surprenante", ajoute-t-il, "tout le monde l'avait dit (....) le gouvernement aurait dû anticiper cette réaction".

Il faut se féliciter de cette prise de position de l'USM, mais aussi s'en étonner avec une naïveté feinte. Entre les deux lectures de l'Assemblée, Numerama avait en effet contacté à la fois l'USM et le Syndicat de la Magistrature (SM), pour leur demander leur position face à un texte qui privait les abonnés de la présomption d'innocence et des droits de la défense. "N'ayant pu cerner les éventuels problèmes posés par le texte, je ne peux vous apporter de réponses en dehors de considérations très générales", nous avait simplement répondu une porte-parole de l'USM. Après nos explications très complètes sur les points qui selon nous posaient problèmes, elle n'avait pas jugé utile de nous répondre. Pas plus que le SM, qui n'a jamais retourné nos appels ou nos mails.

Il a donc fallu attendre que le gouvernement ajoute à la surcharge de travail des magistrats pour que la magistrature s'émeuve du projet de loi. Un réflexe corporatif regrettable qui participe à la déliquescence des valeurs républicaines.

Article diffusé sous licence Creative Common by-nc-nd 2.0, écrit par Guillaume Champeau pour Numerama.com

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